Le Haut-Ogooué
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Situation du Haut-OgoouéLe Haut-Ogooué, région clef du Gabon d'aujourd'hui de par ses ressources minières, est également un des hauts lieux de l'histoire gabonaise, sa capitale Franceville ayant été fondée dès 1880 par Savorgnan de Brazza.
Cet article a été écrit par Louis Perrois, de l'IRD (ex-Orstom), et publié dans la revue d'entreprise Electrons de la SEEG (numéro 8, décembre 72).


Plan de la rubrique :
Le blason
Histoire
Un riche passé
Coutumes et cultures
Le Haut-Ogooué aujourd'hui

Blason du Haut-Ogooué LE BLASON

De sable à deux pioches d'or posées en sautoir et accompagnées de quatre carreaux d'argent posés en losange, au chef d'or semé de grains de café de sable posés en pal.
Les richesses minières de la région et leur exploitation sont symbolisées par la couleur "de sable", c'est-à-dire noire, du champ de l'écu (les entrailles de la terre), par les pioches et par les "carreaux d'argent" représentant les blocs de minerai. Les gisements aurifères sont évoqués par le métal "d'or" du chef. Les grains de café font allusion à cette importante production de la region.

HISTOIRE                                                            Haut

Les gisements préhistoriques découverts dans le Haut-Ogooué attestent une présence humaine très ancienne remontant certainement au paléolithique. Il est certain que depuis des millénaires, la région est une zone de passage du seul fait de son emplacecement géographique particulièrement favorable à des déplacements entre le Moyen et le Haut-Ogooué et l'Ogooué, l'Ogooué et I'Alima vers le Congo.
Brazza s'en rendit compte dès qu'il eût atteint des savanes du pays ndoumou et ndassa en 1880, lors de sa seconde expédition. Franceville, dont le nom originel est Masoukou, fut d'abord appelé Francheville par Brazza. Celui-ci fut bloqué par les chutes de Poubara et décida d'orienter ses recherches ultérieures vers le nord-est, d'une part vers la Licona, d'autre part vers I'Alima par la piste des Batéké.
C. COQUERY décrit ainsi la situation du poste entre 1880 et 1886 :
« La grande station demeurait, à huit jours en amont, après un seul mauvais passage (le rapide de Doumé), Franceville. Cette station de transit et de transbordement était établie au bord de la Passa, affluent de droite de l'Ogooué, à la jonction entre la voie fluviale et la piste de terre qui conduisait à I'Alima. A l'arrivée de la Mission, quelques baraquements servaient d'entrepôts à Ballay; dès I'été 1883, quatre Européens, cinq laptots et dix Kroumen y étaient installés. Les deux premières années furent difficiles ; les méthodes autoritaires du chef de poste, Thollon, assisté d'un matelot « ivrogne et débauché », éloignèrent les habitants. A partir d'août 1884, le brigadier Roche entreprit d'achever la piste ouverte par Joseph Michaud en 1881 ; l'année suivante, on transféra le poste de la rive droite à la rive gauche de la rivière, car « bien que la station fût placée sur une hauteur et dans une position relativement salubre, elle avait le grand inconvénient d'être séparée de la route des Batékés par la rivière Passa. A chaque convoi, il y avait une perte de temps très grande pour faire passer les porteurs, à l'arrivée et au départ (...). Le passage de certains convois a demandé plus de deux jours ». (Pradier, op. cit).
« En 1886, Franceville comptait deux magasins de 30 mètres chacun, une grande case d'habitation (27 m), un magasin de détail et, à 150 mètres de là, un village réservé au personnel africain ».
L'installation des postes européens sur l'Ogooué, de Lambaréné à Booué, Madiville (Lastoursville ensuite) et Franceville, permit au commerce de se développer depuis le Haut-Ogooué jusqu'au Cap Lopez et les zones côtières de Libreville, en brisant les monopoles des différentes ethnies (Okandé, Ossyéba, Adouma) qui contrôlaient le trafic du fleuve.

UN RICHE PASSE                                                            Haut

Mais comme partout en Afrique noire, il faut savoir que l'Histoire proprement dite commence dès avant la pénétration des explorateurs européens, bien que ses péripéties en soient plus conjoncturelles.
Les peuples de la vallée de l'Ogooué ne sont pas originaires des régions où on les trouve actuellement. Un vaste mouvement de migration, commencé il y a des siècles, s'est accentué aux XVllème et XVlllème siècles dans une direction nord-sud pour la masse Kota et est-ouest pour les Batéké jusqu'à la limite de la forêt.
Les Kota, parmi lesquels il faut distinguer les Bakota du nord et les Obamba du sud, se sont acheminés vers le Haut-Ogooué à partir de la Sangha dès le XVllème siècle. Des groupes sont restés en route sur I'lvindo, d'autres sont passés par le Congo, les Obamba, certains sont descendus très au sud jusqu'aux sources de l'Ogooué, les Mindassa et les Bawoumbou.
Actuellement, on peut distinguer les Bakota du nord patrilinéaires des Obamba du sud matrilinéaires, Certains étant apparentés aux Batéké avec lesquels ils eurent souvent à combattre et à commencer.
Les Bandzabi sont venus de l'est, avec les Batsangui qu'on trouve aujourd'hui vers Bakoumba. Les cultures kota et ndzabi sont encore apparentées par certains rituels, tels la circoncision. Le problème de leur lointaine origine commune se pose, bien que les dialectes soient très différents.
Par contre, les Batéké, les hommes des plateaux, sont de culture et de mentalité différentes, avec des villages fortement organisés qui ont impressionné les premiers explorateurs.

COUTUMES ET CULTURE                                                            Haut

Schématiquement le Haut-Ogooué, au folklore riche et vivant, relève de trois cultures ethniques différentes, Obamba, Ndzabi et Téké avec à la fois des variantes notables et des points de convergence, surtout en ce qui concerne les structures sociales et les croyances essentielles.
Vers Okondja, coeur du pays Obamba, le culte des ancêtres existait jusqu'au début du XXème siècle. Les reliques des ancêtres étaient conservées dans des paniers surmontés de figurines sculptées recouvertes de feuilles de cuivre dont certaines sont des chefs-d'oeuvre de l'art africain traditionnel.
De filiation matrilinéaire, la société obamba était organisée en tillages qui regroupaient un certain nombre de clans. Les forgerons travaillaient le fer pour en façonner des outils et des armes. Le cuivre importé dès le XVlème siècle par les tribus côtières, servait à faire des bijoux dont certains étaient utilisés comme monnaie de dot. Les activités  agricoles limitées aux cultures vivrières (maïs, manioc, bananes) étaient dévolues aux femmes qui laissaient aux  hommes le temps de pêcher et surtout de chasser. L'art de tisser le raphia vint du pays batéké vers la fin du XlXème siècle.
Plusieurs sociétés à caractère initiatique animaient la vie sociale ancienne de ces villages en perpétuel déplacement. Les grandes fêtes de la circoncision accompagnées des rites de passage de la puberté permettaient aux « nganga » d'étaler leur habileté, leur savoir et leur sens de la danse.
Actuellement la plupart de ces danses à caractère sacré ou social sont devenues des danses de divertissement, masquées ou non.
Les Bandzabi, établis plus à l'ouest, présentent à peu de choses près les mêmes caractéristiques culturelles : culte des ancêtres, sociétés initiatiques, croyance à l'esprit du « Mungala » (grand masque figurant un monstre aquatique), « anarchie » structurelle des villages où chaque aîné de lignage était un chef, agriculture de subsistance, pêche et chasse à la sagaie, au harpon et au filet (comme les Pygmées qui furent leurs initiateurs en matière de chasse et de cueillette).
Répartition des ethnies du Haut-Ogooué
Les peuples du Haut-Ogooué,
d'après le docteur Miletto
Les Batéké des plateaux, isolés dans les vastes vallonnements rases et sablonneux des confins de la Léconi vers I'Alima, vivaient en gros villages dont l'activité principale a toujours été le commerce. De longues caravanes se rendaient en pays balali à l'ouest vers le Niari, d'autres vers I'Alima à l'est. Les Batéké cultivaient autrefois le mil puis le manioc qui suscita un volume d'échange considérable avec leurs voisins. Ils fabriquaient en outre des pagnes de raphia et travaillaient le fer.
Les chefs teké avaient pour emblème une peau de panthère, une cloche double, une queue de buffle et une canne ornée de cuivre.
Dans toute la région, depuis des siècles, les migrations des différentes tribus, de chaque clan et même village provoquèrent des affrontements continuels. La guerre était une des principales activités des hommes.
Les rituels propitiatoires à caractère initiatique avaient surtout pour but de protéger les initiés des dangers de la vie de brousse (famine, guerre, chasse, etc ... ) Les masques servaient en général à inspirer une crainte respectueuse aux femmes, enfants et non initiés; c'était un élément de régulation sociale.
Aujourd'hui, il ne reste de ces coutumes que des bribes, certaines habitudes sociales et familiales (relations d'autorité, circuits matrimoniaux), techniques (agriculture, artisanat du fer et du raphia) et artistiques (musique, chants et danses).
Comme partout au Gabon, c'est la musique, la danse et la littérature orale, très riches dans toutes les ethnies du Haut-Ogooué, qui subsistent malgré le modernisme de la vie quotidienne contemporaine des altogovéens.

LE HAUT – OGOOUE AUJOURD’HUI                                                            Haut

Région au développement fulgurant depuis la mise en exploitation des gisements de manganèse et d'uranium, le Haut-0gooué a subi ces dernières années une transformation sociale notable : des villes industrielles sont nées (Moanda, Mounana). Franceville est devenue une capitale régionale animée ; la population s'est regroupée et a augmenté très sensiblement; les courants d'échanges se sont multipliés grâce aux voies de communication améliorées et praticables d'une manière permanente. On assiste à un brassage continu des ethnies, non seulement du Haut-Ogooué, mais de tout le Gabon.
Les coutumes ancestrales s'estompent au profit d'un mode de vie de type semi-urbain qui, moins attrayant sur le plan culturel et folklorique, est évidemment plus conforme aux exigences actuelles du développement national.